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L’ambroisie et la Première Guerre mondiale

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Encadré1BF

1-Ambroisie

L’Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) (encadré 1) est une espèce végétale envahissante dans de nombreux pays européens dont la France (Fumanal, 2007). Elle pose d’importants problèmes de santé publique en provoquant des pollinoses par inhalation des grains de pollen allergisants. Les symptômes identifiés vont de la simple gêne respiratoire avec rhinite jusqu’à des formes plus aggravées comme l’asthme, mais également des conjonctivites ou dans certains cas des réactions cutanées. En France, les problèmes d’allergies liés à l’ambroisie sont pour l’instant concentrés en région Rhône-Alpes avec dans cette zone 8 à 12 % de la population sensible (www.ambroisie.info). En Europe centrale, la situation est beaucoup plus préoccupante, comme par exemple en Hongrie où 25 % de la population totale est sensible au pollen d’ambroisie. A l’heure actuelle, 18 départements Français se sont dotés d’arrêtés préfectoraux relatifs à la destruction de l’ambroisie.

L’ambroisie, originaire d’Amérique du Nord a été introduite pour la première fois en 1863 en Allemagne dans le Brandebourg et en France dans le département de l’Allier. Par la suite, des introductions multiples ont eu lieu tout au long du 20ème siècle. Les activités humaines ont été le principal vecteur d’introduction et d’expansion de cette espèce. Les premières introductions d’ambroisie se seraient produites via l’importation de semences de légumineuses fourragères (Trifolium pratense L.), puis durant la Première Guerre mondiale via des importations de chevaux accompagnés de leur fourrage en provenance d’Amérique du Nord et destinés à l’armée française (Chauvel, Fumanal et al., 2006). La dispersion de l’espèce en Europe après les deux guerres mondiales a ensuite été favorisée par des vecteurs secondaires tels que le transport de sol (en particulier lors de travaux routiers ou d’aménagement urbains), les machines agricoles, le commerce des graines pour le nourrissage des oiseaux, ou encore les cours d’eau. Enfin, certains auteurs associent l’expansion de l’ambroisie en Europe de l’Est aux changements des modes de gestion des terres agricoles lors de l’émergence puis de la décadence du régime communiste (l’ambroisie y est qualifiée de « Stalin weed »).

espèce introduite de Sibérie en France en 1917 à la faveur d’un envoi aux troupes alliées de blé russe, à partir du port d’Arkhangel. Elle fut observée de temps à autres en France mais toujours de manière fugace.

2-Axyris amarantoides L.
Espèce introduite de Sibérie en France en 1917 à la faveur d’un envoi aux troupes alliées de blé russe, à partir du port d’Arkhangel. Elle fut observée de temps à autres en France mais toujours de manière fugace.

Le caractère obsidional/polémochore1 de l’ambroisie en France a été signalé à de nombreuses reprises. Plus généralement, le nombre de plantes introduites lors de la Première Guerre mondiale est incontestablement plus important que lors du second conflit dans la mesure où tout simplement la cavalerie n’y était quasiment plus employée réduisant de fait les importations de chevaux et de fourrage. La synthèse de Daveau et Maury en 1922 fait état de 93 espèces introduites lors de la Première Guerre mondiale à l’échelle du territoire, mais sans tenir compte de la partie Est de la France (encadrés 2 et 3).

L’ambroisie est citée dans cette étude parmi une quinzaine de plantes nord-américaines introduites avec les fourrages des armées alliées.

Espèce nord-américaine introduite dans les étangs de Haute-Saône à la fin de la première guerre mondiale via des convois de l’armée américaine.

3-Hypericum majus (A. Gray) Britton
Espèce nord-américaine introduite dans les étangs de Haute-Saône à la fin de la Première Guerre mondiale via des convois de l’armée américaine.

L’ambroisie a été observée dans de nombreux ports français de la côte Atlantique depuis l’arrivée des troupes américaines en 1917 ainsi que dans les nombreux camps américains à l’intérieur des terres (ex. à Amiens signalement par Brandicourt, 1929).

Ceci est attesté par de nombreuses notes, publications et parts d’herbiers relevées à l’époque (Chauvel, Dessaint et al., 2006). Ainsi, à Bordeaux, Jeanjean (1961) la signale sur les appontements de débarquement des troupes américaines ainsi que dans le camp voisin, et des parts d’herbier correspondantes sont conservées dans l’herbier général à l’Institut botanique de Montpellier.

Dans le Berry, l’espèce est signalée sur trois anciens camps américains (Martin, 1929). Trois parts du Muséum d’histoire naturelle du Mans (Herbier Desnos) la décrivent au Mans et à Saint-Nazaire sur des emplacements des camps de remonte de la cavalerie américaine.

Boris Fumanal,

Maître de conférences en écologie à l’Université Blaise Pascal

1. Les deux termes font référence à la guerre, des croisades aux deux guerres mondiales en passant par les guerres de Napoléon. Le terme d’obsidional qualifiait originellement les plantes apparues dans une région donnée à la suite du siège prolongé d’une place forte donc lié au stationnement de troupes au cours d’un conflit armé. Le terme polémochore qui signifie littéralement compagnes de la guerre, qualifie les espèces introduites dispersée à l’occasion d’un conflit armé et donc en particulier des mouvements de troupes. Cependant, d’après Parent (1990) le terme d’obsidional aurait rapidement été élargi à toutes les plantes apparues dans une zone où elles n’existaient pas, à la suite des mouvements des armées ce qui recouvre dans ce cas la définition de polémochore.

Références bibliographiques :

 - Brandicourt V., 1929. Liste des plantes étrangères à la flore Picarde récoltées à Amiens – à moins d’indications contraires – de 1915 à 1918. Bulletin de la Société Linnéenne du Nord de la France, XXIV (418) : 41-44.

- Chauvel B., Dessaint F., Cardinal-Legrand C., Bretagnolle F., 2006. The historical spread of Ambrosia artemisiifolia L. in France from herbarium records. Journal of Biogeography, 33, 665-673.

- Chauvel B., Fumanal B., Dessaint F., Bretagnolle F., 2006. Extension d’Ambrosia artemisiifolia L. dans le département de la Côte d’Or. Le Monde des Plantes, 490, 1-5.

- Daveau J. & Maury, 1922. Note sur quelques plantes adventices introduites en France par les fourrages des armées alliées (1915-1921). In : Association française pour l’avancement des sciences– Congrès de Montpellier, Masson, Paris, 358-364.

- Fumanal B., 2007. Caractérisation des traits biologiques et des processus évolutifs d’une espèce envahissante en France : Ambrosia artemisiifolia L. Thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 306 p. http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00163962/fr/

- Jeanjean A.F., 1961. Catalogue des plantes vasculaires de la Gironde. Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, 99, 332 p.

- Martin M., 1929. Communication du 28 février. Bulletin de la Société Historique du Cher. 212 :non paginé.

- Parent G.H., 1990.Les Plantes obsidionales de Lorraine. Bulletin de la société d’histoire naturelle de la Moselle. 45, 51-118.


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